« Tout porte à croire qu'il existe un certain point de l'esprit d'où la vie et la mort, le réel et l'imaginaire, le passé et le futur, le communicable et l'incommunicable, le haut et le bas, cessent d'être perçus contradictoirement. Or, c'est en vain que l'on chercherait à l'activité surréaliste un autre mobile que l'espoir de détermination de ce point" André BRETON Second manifeste du suréalisme...
Ce soir, Julien Gracq se promenait à Sion. J'en suis sure, j'en ai la preuve. Oh ! Je sais que vous allez me balancer qu'il est mort "physiquement" le 22 décembre 2002. Mais il est resté bien vivant. Même si son corps n'est qu'un amas de poussières d'étoiles, ses mots dans ses livres, dans ses lieux qu'il a adorés se promener, il est vivant.
Même si Sion l'Océan que je trouve martyrisée par les hommes, perd de son insouciance, de son mystère, de cette fascination surtout près du trou du Diable (inaccessible maintenant à cause de barrières). J'aime aller m'y assoir sur un rocher, les pieds dans le vide et lire !
Je préfère largement les tempêtes ou la mer se venge, montre son vrai caractère. J'aime revenir chez moi, trempée, douchée par les paquets de mer vivifiants mais heureuse.
Ce soir, pas de tempête... Une mer trop calme, sale hypocrite. Trop calme. Même pas une mouette pour me tenir compagnie... Lorsque je lève les yeux et je découvre cette splendeur, un clin d'oeil qui vient d'en haut... J'en suis sure que c'est Julien Gracq qui était venu nous faire un coucou... Et je me souviens de ce passage de son livre !
Quand l'Histoire bande ses ressorts, comme elle fit, pratiquement sans un moment de répit, de 1929 à 1939, elle dispose sur l'ouïe intérieure de la même agressivité monitrice qu'a sur l'oreille, au bord de la mer, la marée montante dont je distingue si bien la nuit à Sion, du fond de mon lit, et en l'absence de toute notion d'heure, la rumeur spécifique d'alarme, pareille au léger bourdonnement de la fièvre qui s'installe. L'anglais dit qu'elle est alors on the move. C'est cette remise en route de l'Histoire, aussi imperceptible, aussi saisissante dans ses commencements que le premier tressaillement d'une coque qui glisse à la mer, qui m'occupait l'esprit quand j'ai projeté le livre. J'aurais voulu qu'il ait la majesté paresseuse du premier grondement lointain de l'orage, qui n'a aucun besoin de hausser le ton pour s'imposer, préparé qu' il est par une longue torpeur imperçue." (Julien Gracq, En lisant en écrivant, p.216)
Alors que nous sommes dans un tourbillon, englués par les crises diverses que l'Humanité subit ou fait subir... Tant que la beauté de la nature sera si émouvante, quand elle vous réchauffe le coeur et vous donne envie de vivre... Rien n'est perdu...
Le monde fleurit par ceux qui cèdent à la tentation.
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