Yves Viollier "Raymonde"

"Oh Dieu, pourquoi donc en mourant ne nous as-tu pas mués en dieux ! Ma trajectoire quand je m'éfforce de toute mon âme de la maintenir en droit ligne, si je me retourne elle ressemble à ces sillages laissés par les avions, dont le trait un instant précis, peu à peu se dissout, devient flou. Et tout est à refaire, tout s'efface, tout se ternit. Seigneur, donne moi un bout de ton crayon à la pointe si bien taillée, et guide ma main, que je fasse le portrait de ta création, que ce que j'écris te ressemble" Yves Viollier "Raymonde"



"Il va sans dire que la vie n'étant pas une bibliothèque rose elle ne respecte guère ces intentions édifiantes" François Nourissier in "Musée de l'homme"

vendredi 29 janvier 2010

L'après Salinger....



"- Je pense seulement que c'est une coïncidence extrêmement étrange, dit -elle en soufflant de la fumée, de voir qu'on rencontre partout des gens qui donnent un avis de ce genre, des gens qui sont des religieux très sincères et très profonds et qui vous disent qu'en répétant le nom de Dieu sans arrêt on fait arriver quelque chose. Même en Inde on en rencontre. En Inde, on vous dit de méditer sur "l'Om" qui signifie la même chose et on vous dit que le même résultat arrivera"...

Fanny
JD SALINGER in Franny et Zooey




Les admirateurs du monde entier pourront répéter à l'infini ce nom, plus d'espoir d'une réponse désormais. JD s'est bien barré. Il nous a laissé pourtant plein de richesses qu'on doit conserver et transmettre aux générations futures.


"- avant de rejoindre les autres, je vous dis en privé, mon vieil ami, (je vous baille et vous bonnis, adonques) acceptez, je vous prie, ce bouquet sans prétention de parenthèses précoces :(((()))). Je crois, le moins florallement du monde, que j'aimerais que vous les prissiez, en premier lieu, pour des signes tordus et arqués de mon état d'esprit et de corps devant ce récit"*


Il est devenu le Merlin l'enchanteur de la forêt de Cornish dans le New Hampshire. Forêt qui pourrait s'apparenter à Brocéliande. Forêt intrigante, magique... On aurait pu le rencontrer, croiser ses personnages comme des elfes ou lutins farceurs. Ils apparaîtraient à ceux qui auraient gardé leur adolescence intacte et pure dans leurs coeurs. Merlin était caché. On le recherchait, on l'imaginait. Je m'amusais à le rechercher via Google Earth... Tout au moins sa cabane en bois, sa demeure. Pas évident. Même des satellites, il en aura eu raison.

"Mon rêve, c'est un livre qu'on arrive pas à lâcher et quand on l'a fini on voudrait que l'auteur soit un copain, un super copain et on lui téléphonerait chaque fois qu'on en aurait envie. Mais ça n'arrive pas souvent. J'aimerais assez téléphoner à Karen Blixten. Et à Ring Lardner, sauf que D.B. m'a dit qu'il était mort."**

On est combien à garder cette précieuse phrase dans nos coeurs pour espérer, rêver de croiser son ombre...

Mais le mystère, le silence a un avantage. Chacun a "son" Salinger. On savait comment il était physiquement (des photos prises lorsqu'il faisait ses courses) mais de sa vie qu'en savait on ? On s'est tous précipités sur le livre de sa fille Margaret Salinger "L'attrape-rêves" pour en savoir un peu plus. Et le reste ce ne fut que des suppositions. Rien ne nous a indiqué si on avait faux ou vrais.

C'est immense ou le moindre écrivaillon s'étale en émissions promotionnelles-cirages de pompes. Ces promotions qui sont des bourrages de crânes. Plus rien n'est caché de la planète terre, les satellites sont là. Internet fait diffuser la moindre image. JD Salinger connaissait Internet. Il a fait interdire tout site officieux lui étant consacré. Je l'imaginais devant son ordi rigolant à nos petits blogs, nos articles, nos interrogations le concernant.

Maintenant, que va t'il se passer ? Oh ! Sur certains articles des journaux internet, on apprend que les éditeurs américains et internationaux sont sur les starting blocks... Il parait que Jérôme David Salinger n'avait pas cessé d'écrire, au contraire. On parle de coffre fort, de malles, d'armoires... Mince c'est la nouvelle téléréalité qui se profile : à la recherche du trésor de Salinger... J'espère que Matt et Margaret, ses enfants, seront forts et ne répondront pas positivement aux sollicitations de ces requins. Ces derniers n'ont même pas respecté la période de deuil pour affûter leurs dents longues. Un manuscrit posthume ferait un carton en librairie. Cela me gènerait une telle parution car l'auteur ne serait plus là pour se défendre fâce aux critiques. Je suis contre ce genre de procédé. Salinger ne voulait plus faire paraître, respectons son choix... « Il y a une tranquillité merveilleuse dans le fait de ne pas publier. (...) La publication est une terrifiante invasion de ma vie privée. J'aime écrire. J'adore écrire. Mais je n'écris que pour moi et mon bon plaisir. »


J'étonne les gens quand je parle de long en large de JD. De cette passion pour ses 4 livres qui ne sont pas loin de ma table de chevet. Comment me passionner pour un fantôme. Justement c'est ça qui me plaisait. (Et qui me plait chez Antoni Casas Ros. Tutoyer le mystère, toucher du doigt le fantastique, aller vers l'iréel dans ce monde matérialiste, quel panard. Je plains ceux qui n'ont pas cette chance). On parle aussi de retraduire "L'attrape-coeur" pour lui faire une cure de jouvence. Stupidités, gardons les classiques tels quels. C'est tout leur charme. Pourquoi vulgariser à tout prix. Roméo et Juliette, Les Misérables... On veut s'attaquer à l'écrit de Salinger car on prétend que ça a mal vieillit. Et alors, on ne retraduit pas François Villon en langage SMS, on met pas Beaudelaire en langage texto. La langue évolue, les temps aussi... Il faut sauvegarder la traçabilité de notre langue. Notre fondement essentiel de notre patrimoine national. Je n'imagine pas une seconde Holden Caufield "kiffer sa race"....

Je ne sais quand ses obsèques auront lieu ou même si elles ont eu lieu... Je n'en sais pas plus des modalités. Mais une chose est certaine, JD nous tend les bras dans ses mots, dans ses livres. Il est immortel. On continuera à l'étudier, à le lire. Il n'a pas fini d'être l'attrape coeur des adolescents d'aujourd'hui, des générations futures.

« Je croyais que c'était "Si un cœur attrape un cœur". Bon. Je me représente tous ces petits mômes qui jouent à je ne sais quoi dans le grand champ de seigle et tout. Des milliers de petits mômes et personne avec eux je veux dire pas de grandes personnes – rien que moi. Et moi je suis planté au bord d'une saleté de falaise. Ce que j'ai à faire c'est attraper les mômes s'ils s'approchent trop près du bord. Je veux dire s'ils courent sans regarder où ils vont, moi je rapplique et je les attrape. C'est ce que je ferais toute la journée. Je serais juste l'attrape-cœurs et tout. D'accord, c'est dingue, mais c'est vraiment ce que je voudrais être. Seulement ça. D'accord, c'est dingue. »**


En attendant, il aura pu attraper mon coeur ce jour ou quand j'avais 15 ans et que j'ai ouvert l'exemplaire de "L'attrape coeur" disponible à la bibliothèque de mon lycée Dumont d'Urville à Toulon. Je ne me doutais pas qu'il me bouleverserait encore à près de 40 balais.

"Le vrai peintre et le vrai poète ne sont-ils pas des prophètes ? Ne sont -ils pas en réalité les seuls prophètes que nous ayons sur cette terre ?"***

* Franny et Zooey
** L'attrape-coeurs
*** Seymour, une introduction (Dressez haut la poutre maîtresse, charpentiers)

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