Yves Viollier "Raymonde"

"Oh Dieu, pourquoi donc en mourant ne nous as-tu pas mués en dieux ! Ma trajectoire quand je m'éfforce de toute mon âme de la maintenir en droit ligne, si je me retourne elle ressemble à ces sillages laissés par les avions, dont le trait un instant précis, peu à peu se dissout, devient flou. Et tout est à refaire, tout s'efface, tout se ternit. Seigneur, donne moi un bout de ton crayon à la pointe si bien taillée, et guide ma main, que je fasse le portrait de ta création, que ce que j'écris te ressemble" Yves Viollier "Raymonde"



"Il va sans dire que la vie n'étant pas une bibliothèque rose elle ne respecte guère ces intentions édifiantes" François Nourissier in "Musée de l'homme"

vendredi 29 janvier 2010

JD SALINGER, un vrai prophète...

Note de Sab... C'est écrit en 1959 ! Et encore très actuel. JD avait l'autodérision lucide sur ce qu'allait devenir ses manuscrits après sa mort. Il a aussi bien décrit le microcosme littéraire de son époque (et la notre pès de 50 ans après, rien n'a changé malheureusement).

"J'ai l'intention de me séparer prochainement - ce n'est qu'une question de jours de semaines, je me le redis sans cesse - d'environ cent cinquante de ces poèmes, et de laisser au premier éditeur qui possèdera un complet de ville bien repassé et une paire de gants gris très propres les emporter sans attendre vers ses presses ombreuses, où on les comprimera vraisemblablement dans une couverture en deux tons à laquelle ne manquera pas le rabat où seront imprimées quelques remarques "d'acceptation" étrangement amères, arrachées, après force sollicitations, à ces écrivains et poètes en renom qui ne jugent nullement déplacé de faire des commentaires publics sur les oeuvres de leurs confrères (ils réservent généralement leurs éloges beaucoup plus acides pour leurs amis, leurs inférieurs ou ceux qu'ils soupçonnent être tels, les étrangers, les oiseaux de nuit et tous ceux qui peinent dans un domaine différent du leur) ; ces quelques cent cinquante poèmes iront ensuite se faire remarquer dans les pages littéraires des journaux du dimanche où, s'il y a de la place, si le critique de la biographie nouvelle et définitive de Grover Cleveland ne dépasse pas son nombre de signes habituel, ils seront brièvement présentés au public amateur de poésie par l'une des petites bandes de pédants mal payés, d'académiques et de crève-la-faim dont on peut être certain qu'ils rendront compte des nouveaux livres de poésie ni avec sagesse, ni avec passion (du moins, cela n'est pas nécessaire), mais avec brièveté. (Je ne crois pas que je laisserai encore libre cours à mon amertume de la même manière dans ce livre. Mais si je me laissais aller, je m'efforcerais d'être très transparent.) Et maintenant, si l'on veut bien considérer que je suis assis depuis quatre ans sur ces poèmes, il serait peut être bon - normal, rafraîchissant, absolument pas pervers, en tout cas - que je donne ce qui forme pour moi les deux raisons essentielles pour lesquelles j'ai choisi de me lever et de les quitter. Et je préférerais lâcher ces deux raisons-là dans le même paragraphe, en un seul colis, en partie parce qu'il me plaît de les voir rester proches et en partie aussi parce que je pense, un peu prématurément peut être, que j'en aurai plus besoin pendant le voyage"


Seymour, une introduction p 144

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