"Les mots" Jean Paul Sartre, on les dirait destinés à toi Fred...
"C'est mon habitude et puis c'est mon métier. Longtemps j'ai pris ma plume pour une épée, à présent je connais notre impuissance. N'importe : je fais, je ferai des livres ; il en faut ; cela sert tout de même. La culture ne sauve rien ni personne, elle ne justifie pas. Mais c'est un produit de l'homme : il s'y projette, s'y reconnaît ; seul, ce miroir critique lui offre son image. Du reste, ce vieux bâtiment ruineux, mon imposture, c'est aussi mon caractère : on se défait d'une névrose, on ne se guérit pas de soi. Usés, tous les traits de l'enfant sont restés chez le quinquagénaire. La plupart du temps ils s'aplatissent dans l'ombre, ils guettent : au premier instant d'inattention, ils relèvent la tête et pénètre dans le plein jour sous un déguisement : je prétends sincèrement n'écrire que pour mon temps mais je m'agace de ma notoriété présente ; ce n'est pas la gloire puisque je vis et cela suffit pourtant à démentir mes vieux rêves,serait-ce que je les nourris encore secrètement ? Pas tout à fait : je les ai, je crois, adaptés : puisque j'ai perdu mes chances de mourir inconnu, je me flatte quelquefois de vivre méconnu."
"Ce que j'aime en ma folie, c'est qu'elle m'a protégé, du premier jour, contre les séductions de l'"élite" : jamais je ne me suis cru l'heureux propriétaire d'un "talent" : ma seule affaire était de me sauver - rien dans les mains, rien dans les poches - par le travail et la foi. Du coup ma pure option ne m'élevait au-dessus de personne : sans équipement, sans outillage je me suis mis à l'oeuvre pour me sauver tout entier. Si je range l'impossible Salut au magasin des accessoires, que reste-t-il ? Tout un homme, fait de tous les hommes et qui les vaut tous et que vaut n'importe qui."
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