Yves Viollier "Raymonde"

"Oh Dieu, pourquoi donc en mourant ne nous as-tu pas mués en dieux ! Ma trajectoire quand je m'éfforce de toute mon âme de la maintenir en droit ligne, si je me retourne elle ressemble à ces sillages laissés par les avions, dont le trait un instant précis, peu à peu se dissout, devient flou. Et tout est à refaire, tout s'efface, tout se ternit. Seigneur, donne moi un bout de ton crayon à la pointe si bien taillée, et guide ma main, que je fasse le portrait de ta création, que ce que j'écris te ressemble" Yves Viollier "Raymonde"



"Il va sans dire que la vie n'étant pas une bibliothèque rose elle ne respecte guère ces intentions édifiantes" François Nourissier in "Musée de l'homme"

samedi 2 août 2008

BELESBAT Sur Ouest France

Depuis toute petite j'ai une réelle fascination pour cet endroit et pour Clemenceau... Il est donc normal qu'il y ait une petite place en mon blog.





Dans cette maison, le Tigre rugit encore


À Saint-Vincent- sur-Jard, en Vendée, entre La Tranche- sur-Mer et Les Sables-d'Olonne, cette jolie « cabane de paysan » aux volets verts et tuiles rondes a abrité les dernières vacances de Georges Clemenceau.


On dirait le Sud. Le jardin sablonneux embaume. C'est un tableau broussailleux de Monet. Devant, la mer est d'émeraude. À marée haute, ses vagues lèchent un muret où zigzaguent les lézards. Défiant la résistance de deux pins parasols, un drapeau français claque au vent. Dans les années 1920, deux koinobori flottaient sur son mât. Oui, des poissons japonais en tissu ! Imaginez, la première fois, la stupéfaction des Vendéens voisins de cette propriété ! Même si, de la part de son occupant, il fallait s'attendre à tout...


Sur la crête de la dune, la modeste maison aux volets verts était celle du Tigre. Le surnom de Georges Clemenceau. Le médecin, le journaliste, le Républicain dreyfusard, anticlérical et séducteur, le « tombeur » de ministères et le ministre de l'Intérieur, le président du Conseil (1906-1909, puis 1917-1920), enfin, le Père la Victoire de la guerre 14-18, était aussi amateur d'art asiatique.


Pas vraiment un hasard si, au soir de sa vie, à 78 ans, le Tigre choisit de venir se reposer à Saint-Vincent-sur-Jard, entre La Tranche-sur-Mer et Les Sables-d'Olonne. Né à Mouilleron-en-Pareds en 1841, l'homme politique qui aimait faire monter la polémique à Paris adorait sa Vendée natale. Mais à la demeure familiale, il préférait quelque chose de plus modeste. Cette « cabane de paysan au bord de la mer », c'est tout ce qu'il lui fallait. Le propriétaire, catholique et royaliste, aurait aimé lui louer gratuitement sa « bicoque ». Pas question. « Fin 1919, un bail à vie lui est finalement consenti pour 150 francs par an, à distribuer aux pauvres de la commune », précise un récent ouvrage des Éditions du patrimoine sur la plus petite de toutes les maisons de célébrités dont l'État est propriétaire.


« Elle est toujours habitée », assure l'un de ses guides, Albert Grambin, « fonctionnaire d'État » originaire de la Martinique, tombé sous le charme, « après vingt-sept ans passés au Grand Palais, sur les Champs Elysées ». Albert, il « l'aime, Clemenceau », le « vit », cet « homme de Liberté, d'Égalité et de Fraternité qui savait sortir ses griffes. » Son lyrisme enfle au fur et à mesure de la visite des pièces en enfilade reliées par un long couloir. Toutes ont leur accès indépendant sur la mer.


Elle est drôlement moderne, cette maison de plain-pied où Clemenceau est venu chaque printemps et mois d'été jusqu'à sa mort, à Paris, en 1929. On la découvre d'abord par son « kiosque », conçu « pour l'heure du café, du thé et autres ébats » : un préau en brandes, ces fagots de bruyère séchés typiques de la région. De là, on accède au salon, où, au milieu des meubles de style, des bronzes et estampes japonaises, le vieux tribun recevait figures politiques et intellectuels. Ceux-là repartaient ensuite comme ils étaient arrivés, par la gare des Sables. Seuls la famille, les amis, comme Pétain, le peintre Monet, avec lequel il entretenait une relation « d'âme à âme », la confidente (et dernier amour ?) Marguerite Baldensperger, avaient le privilège de dormir sous son toit. Dans deux étroites chambres équipées de porte-bouquets muraux et de nécessaires de toilette planqués dans d'astucieux « meubles de marine. »


Dans sa propre chambre, il y a une peau de tigre sur le lit. Une gueule de crocodile et des cornes d'antilopes sur les murs. Trophées personnels. Des pistolets de duelliste sur un banc. Des volumes de la Bible, Balzac et Voltaire sur les étagères. Une tête de bouddha sur l'armoire. Son bureau, devant la fenêtre, semble avoir été quitté hier, à la fin de la rédaction d'une page d'Au soir de la pensée. Habité, vraiment, ce lieu d'où le visiteur repart édifié, ému parfois, après avoir traversé la cuisine et la partie réservée aux fidèles domestiques. Abasourdi, aussi, par le vibrant signal qui signe la fin de la visite d'Albert : « Vive Clemenceau, Vive la République et Vive la France ! »


Pascale VERGEREAU.
Photos : Franck DUBRAY.
La maison de Clemenceau, au lieu dit Bélesbat, rebaptisé Belébat, est racontée dans Clemenceau au soir de sa vie, par Denis Lavalle et Aurélie Samuel, Éditions du patrimoine, 7€.

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