Yves Viollier "Raymonde"

"Oh Dieu, pourquoi donc en mourant ne nous as-tu pas mués en dieux ! Ma trajectoire quand je m'éfforce de toute mon âme de la maintenir en droit ligne, si je me retourne elle ressemble à ces sillages laissés par les avions, dont le trait un instant précis, peu à peu se dissout, devient flou. Et tout est à refaire, tout s'efface, tout se ternit. Seigneur, donne moi un bout de ton crayon à la pointe si bien taillée, et guide ma main, que je fasse le portrait de ta création, que ce que j'écris te ressemble" Yves Viollier "Raymonde"



"Il va sans dire que la vie n'étant pas une bibliothèque rose elle ne respecte guère ces intentions édifiantes" François Nourissier in "Musée de l'homme"

vendredi 25 juillet 2008

LA ROUTE DE GLACE (extrait) Yves Viollier

Issu du Mag "les romans de rentrée 2008" de Robert Laffont...



"- Tu savais que tu allais la revoir ?

Il ne répond pas. Elle tremble et tire encore la couverture sur sa chemise de nuit. Le coq chante dans le poulailler du père Ribot. Toutes les dix ou douze secondes, il chante.

- J'imagine que ça ne sert à rien de pleurer ou supplier ? murmure-t-elle, avec une couverture dans ses poings, sous son menton.

- Je n'ai pas le droit de ne pas finir ce que j'ai commencé
- Et ici tu n'as rien commencé ?
Il s'échappe du lit. A peine a-t-il posé le pied sur le plancher que son départ devient de la première urgence. Il s'empresse de s'habiller. Elle se lève aussi, ôte sa chemise de nuit. Et lui il finit de s'habiller, il n'ose pas la regarder toute nue. Il détourne la tête. Elle descend de l'escalier derrière lui après avoir enfilé une robe de chambre. Il a laissé son panier vide sur la table de la cuisine.
Elle remplace le torchon sale par un propre, e elle le remplit comme elle a vu sa mère préparer le briquet de son porion de père pendant toute son enfance. Elle descend à la cave, remonte avec deux bouteilles. Il n'ose pas lui parler. Il la regarde. Elle a les lèvres bleues. Hélène ! Hélène ! Il voit qu'elle grelotte et claque des dents. Il voudrait faire quelque chose, mais il sait que chacun de ses gestes agrandira sa blessure. Elle continue de s'activer. Et puis les frissons se changent en sanglots. Il monte dans la chambre embrasser Michel qui dort encore. Il n'a pas le courage de le réveiller. La lumière glisse sur son visage sans rides, comme de l'eau sur un galet. Dans un mois, ils devaient fêter son septième anniversaire. Il approche son visage, sent le souffle du petit sur sa joue. Quand il était bébé, ils se sont levés souvent pour s'assurer qu'il continuait de respirer.
Hélène rempli leurs deux tasses de café. La rouge est celle de Pierre, depuis toujours, la bleue celle d'Hélène. Elle n'est pas assise à la table. Il reste debout à boire son café. Le coq du beau-père chante encore, avec un entêtement de métronome. Pierre porte sa tasse dans l'évier. La couture d'Hélène est soigneusement rangée sur le coffre de sa machine. Pierre transporte ses affaires dans la camionnette. Il revient. Hélène se confond avec la chaux du mur de cuisine. Elle n'a pas bougé de la table. Elle ne le regarde pas.
- J'y vais.
Il lui semble qu'elle ne l'a pas entendu. Il ne sait pas s'il a le droit. Est ce qu'il peut ? Est-ce qu'il ose ? Il ne peut pas partir comme ça. Il voit battre une veine bleue sur la tempe d'Hélène. Il tend ses mains. Il la prend dans ses bras.
- Je ne peux pas faire autrement, Hélène. C'est plus fort que moi !
Elle bouge les lèvres.
- Qu'est ce que tu dis, Hélène ?
- Prends bien soin de toi ! Il la serre, l'embrasse.
- Prends bien soin de toi aussi, et de Michel.


Pour la suite attendre le 11 septembre.....

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