Un livre majeur de l'oeuvre de François Nourissier ( je présume car je n'ai pas tout lu son immense bibliographie). Ces quatre cent neuf pages d'une densité, pas de temps mort.
Ce livre se lit comme on regardait Dallas. Dallas et son univers impitoyable du pétrole. La François parle de l'univers impitoyable du monde de l'édition. Un monde truffé de coups bas, de trahison, de sexe, de pouvoir et d'argent. Un monde ou règne en maître Jos Fornerod dont sa vie peut s'attribuer le qualificatif de Grandeur et décadence.
Dans ce livre, on y lit la vision de plusieurs personnages qui étayent différents angles de visions de la vie de cet éditeur, différentes période... Quand je dis que cela ce lit comme un éventuel scénario de Dallas (déjà la situation se situe dans les années 80 et tous ces personnages qui participent à l'intrigue sont nombreux.)
Il y a deux passages qui m'ont bouleversé !
Sur la place des femmes dans ce monde
p 120 Personnage narateur Sylvaine Benoit
En 1957, le succès immense de son frère installa la petite Léonnelli, en quelques mois, à un sommet de liberté d'où elle pouvait tout voir, tout juger, tout dire. L'enfant qu'elle était ne le comprit pas, ou de travers. Elle glissa ensuite de fête en fête, d'homme en homme,avec cette légèreté en quelque sorte héréditaire qui colorait sa légende, aérait la prose de Gilles, comblait l'avidité des journalistes, mais où se dilua a puissance de révolte de leur triomphe. Il en est ainsi, depuis des décennies, du sort des femmes. Les plus douées, ou les plus enviées, ou les plus belles esquivent un combat que bientôt mènent à leur place les plus acharnées. Trop souvent la caresse de la gloire et le goût des hommes ont perdu les meilleures d'entre nous. "Notre grande Colette" comme l'appelaient les lettrés radicaux-socialistes, a vieilli en odeur de damnation comme d'autres en odeur de sainteté, avec des gourmandises et des cynismes de vieille noceuse. Beauvoir elle-même, qui avait porté aux mythes épuisés tant de coups, s'est soudain décomposé devant la première mauvaise surprise d'une vie privilégiée : le vieillissement. "Flouée" ? le mot terrible, si lâche et faible, a dilapidé ce que des années de lucidité avaient capitalisé. On ne finit pas en vieille bonne femme au miroir quand on a été la dévastatrice justicière du Deuxième Sexe. On ne larmoie pas sur la peau ridée e le souffle court quand on a été celle par qui le scandale arrive
Sur la notoriété mal gérée
p 92 Jos FORNEROD
Et c'est un autre, oublié, enterré dans son métier, sa province, modeste, quasi invisible, que soudain le projecteur tire de l'ombre, isole, anime, galvanise. La notoriété le secoue, le bouscule et à partir d'elle on ne sait jamais ce qu'il peut arriver. Métamorphose ou sérénité ? Abondance, stérilité, sagesse ? Alcoolisme ? Mégalomanie ? Certains se délitent, se dispersent. D'autres engrangent et s'adaptent au bonheur avec un naturel stupéfiant. Il y a de tout : des cigales, des fourmis, des ménagères,des princes, des placiers en librairie, des nomades, des rapaces, des pères de famille. Les observer, les peser, les voir se briser ou se fortifier,bouchonner à la vague ou apprendre à naviguer. Plaisir féroce, plaisir fort et secret dont jamais je n'ai tout à fait avoué le goût. Il a envahit ma vie peu à peu immergée dans le métier. Le métier n'a rien épargné, il a tout plié à ses besoins. Les écrivains sont devenus nos amis, et à cause d'eux, autour d'eux, les journalistes, les gens de radio et de télévision, tous les mangeurs et noircisseurs de papier. Ils ont envahi les week ends.....
Mention spéciale au personnage de Sabine Gohier Fornerod qui m'aura, comme vous l'avez tous compris, touchée et émue.
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