Yves Viollier "Raymonde"

"Oh Dieu, pourquoi donc en mourant ne nous as-tu pas mués en dieux ! Ma trajectoire quand je m'éfforce de toute mon âme de la maintenir en droit ligne, si je me retourne elle ressemble à ces sillages laissés par les avions, dont le trait un instant précis, peu à peu se dissout, devient flou. Et tout est à refaire, tout s'efface, tout se ternit. Seigneur, donne moi un bout de ton crayon à la pointe si bien taillée, et guide ma main, que je fasse le portrait de ta création, que ce que j'écris te ressemble" Yves Viollier "Raymonde"



"Il va sans dire que la vie n'étant pas une bibliothèque rose elle ne respecte guère ces intentions édifiantes" François Nourissier in "Musée de l'homme"

samedi 12 janvier 2008

LES DERNIERS INSTANTS DE JULIEN GRACQ





Gracq : la chute du géant de Saint-Florent-le-Vieil



Samedi soir, Louis Poirier est décédé à 97 ans au CHU d'Angers, des suites d'un malaise. Dimanche, la France a rendu hommage à un monument de sa littérature : Julien Gracq.

Julien Gracq vient de disparaître à l'âge de 97 ans. :Archives Ouest-France

La nouvelle avait « fuité » du cercle familial au petit matin, dimanche, mais impossible de la confirmer : même la direction du Centre hospitalier universitaire d'Angers semblait tout ignorer de la mort de Julien Gracq hier matin. Sans doute était-ce une erreur : la fois précédente, il y a deux ans, son hospitalisation avait suscité la recommandation du préfet lui-même. Or, cette fois, à quelques jours de Noël, pas d'alerte préfectorale...


Rien de plus vrai, pourtant : victime d'un nouveau malaise, Julien Gracq avait été admis en milieu de semaine dans le service de médecine interne sous son vrai nom, Louis Poirier. Samedi après-midi, c'était le coma. Et la fin dans la soirée.


Louis Poirier est parti à 97 ans, dans l'anonymat des vieilles personnes, samedi soir. Et hier, dimanche, toute la France a passé la journée à célébrer la disparition d'un monument de sa littérature, Julien Gracq (1).


Casanier parce que d'ascendance vendéenne


Une célébration qui a fait de Saint-Florent-le-Vieil le centre de l'Hexagone hier. Toute sa vie s'est organisée là, autour du Mont-Glonne, emblème des Guerres de Vendée, à deux pas de l'Île batailleuse. L'univers du professeur de géographie s'est concentré là, confiné là. L'agitation littéraire parisienne ? Très peu pour lui.


Pas de prix Goncourt. Pas de cirque médiatique. Qui veut le voir vient frapper à sa porte de Saint-Florent, de cette petite maison construite par son père au début du siècle et qui domine la Loire. C'est là qu'il est enraciné pour toujours. Et c'est lui qui en parle le mieux, dans Carnets du grand chemin, en 1992. Autoportrait.



« Quant à mes origines, je manque de mélange. Pas de croisements profitables dans mon ascendance. Du côté paternel, mes attaches sont à Saint-Florent, au moins depuis la Révolution et sans doute au-delà ; du côté maternel, à Montjean, La Pommeraye, Champtocé, depuis aussi longtemps : un cercle d'un rayon de huit kilomètres, entre le tombeau de Bonchamps et le château natal de Gilles de Rais, a contenu toute mon ascendance depuis six générations et au-delà : tout cela, Mauges, vallée de la Loire et Mauges encore, artisans de village presque tous « filassiers », boulangers, forgerons, mariniers, tous, aussi que je remonte, parcimonieux, âpres au gain, comptant sou par sou, fermes sur les liens de faille, acharnés à acquérir, à hériter et à conserver. [...] J'attribue à cette ascendance vendéenne mon caractère casanier, ma méfiance vis-à-vis des figures inconnues, le conservatisme figé de mes habitudes, le confinement dans un cercle de relations étroit, surtout familial, le goût de dire « non » : bref, ce « laissez-moi tranquille dans mon coin et passez au large » qui a été - toutes motivations sociales et religieuses mises à part - le vrai ressort caractériel du soulèvement de 1793. Une vie peu aérée, un manque de mobilité physique autant que spirituelle [...] ; je n'ai jamais eu que peu à voir avec les espèces de plein-vent. »




(1) Les obsèques civiles de Julien Gracq-Louis Poirier seront célébrées le jeudi 27 décembre, à 12 h 15, au crématorium de Montreuil-Juigné.
Ouest-France

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