Yves Viollier "Raymonde"

"Oh Dieu, pourquoi donc en mourant ne nous as-tu pas mués en dieux ! Ma trajectoire quand je m'éfforce de toute mon âme de la maintenir en droit ligne, si je me retourne elle ressemble à ces sillages laissés par les avions, dont le trait un instant précis, peu à peu se dissout, devient flou. Et tout est à refaire, tout s'efface, tout se ternit. Seigneur, donne moi un bout de ton crayon à la pointe si bien taillée, et guide ma main, que je fasse le portrait de ta création, que ce que j'écris te ressemble" Yves Viollier "Raymonde"



"Il va sans dire que la vie n'étant pas une bibliothèque rose elle ne respecte guère ces intentions édifiantes" François Nourissier in "Musée de l'homme"

samedi 29 décembre 2007

MICHEL HOUELLEBECQ ET LA ROCHE

Michel Houellebecq est né en 1958. Il vit actuellement en Espagne. :Archives Joël SAGET.


Une ville d'une triste banalité pour Houellebecq

La ville, un roman, son auteur.


Dans Extension du domaine de la lutte, La Roche offre à l'écrivain le cadre idéal pour décrire la misère affective de son héros.

Un romancier peut tout faire. Y compris avancer d'une heure et demie le premier train en gare de La Roche-sur-Yon. C'est que le héros-narrateur de Michel Houellebecq a besoin d'un peu d'avance : à mi-parcours du livre Extension du domaine de la lutte (1), l'arrivée à 5 h 52 permet une petite promenade avant de rejoindre « la Direction départementale de l'Agriculture », alors située place de la Vendée, lorsque Houellebecq a écrit ses lignes au début des années 90.


Formateur à la direction départementale de l'agriculture


C'est là que le héros-narrateur doit former des fonctionnaires à l'informatique. Nous sommes aux alentours du 16 décembre, il fait « un froid perçant ». Le héros trentenaire, extirpé de sa tour de béton de la banlieue parisienne pour un « plan de formation » en province, vient de passer par la ville de Rouen. En quelques paragraphes, il l'a descendue en flèche... « Tout est sale, crasseux, mal entretenu... ». L'escale yonnaise va permettre à la dépression de déployer ses ailes !

La banalité de la ville, avec « sa zone pavillonnaire », sa gare, son café « en face de la gare », l'hôtel si banal qu'on n'en donne pas le nom... : quelques chapitres plus haut, tout cela aurait servi de point de départ à une salve de critiques, de digressions suintant la lassitude. Mais voici venu le temps de la dangereuse indifférence. Le calme... si l'on peut dire : car c'est à La Roche que le héros achète « un couteau à steak », dans un « Unico » fictif que la plate consonance rend probable.


« L'impression d'être une cuisse de poulet sous cellophane »


Ici, l'informaticien désabusé ne remarque aucun bâtiment ou lieu qui ne puisse se trouver dans d'autres villes. Il s'est habitué à vivre dans l'anodin, l'aseptisé où croupissent, paradoxalement, de terribles microbes : « J'ai l'impression d'être une cuisse de poulet sous cellophane dans un rayon de supermarché », confie le collègue formateur du héros !

Raphaël Tisserand, le collègue en question, est un obsédé sexuel malchanceux. Cette misère avouée permet au narrateur d'asseoir une théorie complète du libéralisme : « hasard » des déplacements imposés aux formateurs, c'est à La Roche-sur-Yon que le narrateur noue sa comparaison entre le libéralisme économique et le libéralisme sexuel. La clé du titre.

Refusé par de nombreux éditeurs

« Sur le plan économique, Raphaël Tisserand appartient au camp des vainqueurs ; sur le plan sexuel, à celui des vaincus. Certains gagnent sur les deux tableaux ; d'autres perdent sur les deux », constate laconiquement le narrateur. Il vient de dénoncer la paupérisation absolue que génèrent les deux libéralismes (économique et sexuel). La faute à une « loi du marché » qui donne beaucoup à quelques-uns... et très peu à beaucoup d'autres.

Refusé par de nombreux éditeurs, Extension du domaine de la lutte, finalement publié en 1994 par Maurice Nadeau fit de Houellebecq le précurseur d'une génération d'écrivains (après toutefois les situationnistes) décrivant la misère affective de l'homme contemporain. Sans promotion ni publicité, le roman rencontra principalement son public par le bouche à oreille, avant d'être adapté au cinéma par Philippe Harel en 1999. Quelques mois seulement après que Houellebecq ait connu la consécration avec son roman Les Particules élémentaires.

Claire HAUBRY.




(1) Extension du domaine de la lutte est disponible dans la collection J'ai Lu. 6 €.
A suivre, lundi, le « Yonnais Gilbert Prouteau » dénude les anges.
Ouest-France

1 commentaire:

MFB a dit…

Mon Dieu, Michel Houellebecq ! Quel ennui ! j'ai voulu lire les particules élémentaires, je ne suis même pas allée jusqu'au bout, je n'aime pas du tout son style ni sa provocation. Je ne comprends pas cet auteur !

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