
René Bazin fit de la ville une sirène maléfique
2/8. La ville, un roman, son auteur.
Dans « La Terre qui meurt », de René Bazin (1899), La Roche-sur-Yon est « la » ville tentatrice. Une sirène maléfique qui aguiche le monde rural en déclin.
« Et François, où est-il ?
- Figure-toi... tu ne t'attends pas à ce que je vais te dire : il a quitté la Fromentière, voilà quinze jours depuis hier pour entrer dans les chemins de fer, à La Roche... Éléonore est partie avec lui... Il paraît qu'elle va tenir un café. Si tu crois ! »
- Vous les avez donc chassés ?
- Non, des paresseux tous les deux, qui veulent gagner de l'argent sans rien faire... ».
« Et François, où est-il ?
- Figure-toi... tu ne t'attends pas à ce que je vais te dire : il a quitté la Fromentière, voilà quinze jours depuis hier pour entrer dans les chemins de fer, à La Roche... Éléonore est partie avec lui... Il paraît qu'elle va tenir un café. Si tu crois ! »
- Vous les avez donc chassés ?
- Non, des paresseux tous les deux, qui veulent gagner de l'argent sans rien faire... ».
La Terre qui meurt, paru en 1899, est l'un des romans de la première période de René Bazin. Une évocation poétique et réaliste du rêve d'une France agricole, traditionnelle, ancrée dans le passé. L'action se déroule du côté de Sallertaine, en plein Marais breton. Un Marais breton mythifié, paré des brumes flatteuses de souvenirs de vacances vendéennes heureuses. Ce paysage idéalisé sert, par contrepoint, de décor au drame de la Fromentière, ce domaine agricole abandonné par un grand propriétaire qui s'en va à Paris et qui, ruiné, doit vendre ses meubles. Tandis que le bon métayer travailleur et viscéralement attaché à son lopin de terre, à son île, au sens propre et figuré, a le coeur déchiré de voir partir un fils en Amérique, l'autre comme employé de la gare de La Roche.
La fin d'un monde parfait
Comme on le sent dans l'extrait cité plus haut, la gare yonnaise devient un symbole de progrès, de vitesse, de vertige, de perte de repères. Dans son transfert de romancier, Bazin fait de ce gros bourg rural et commerçant qu'est le La Roche de l'époque, une ville tentatrice « de proximité », une halte dangereuse avant Paris, l'abîme urbaine. La déchéance morale et sociale guette : « Le lendemain, en effet, le métayer de la Fromentière descendait de wagon dans la gare de La Roche-sur-Yon... Dès qu'il posa son pied sur le quai, il chercha son fils... Lui, venu librement, dans son costume de laine noire, maître de régler le travail et le loisir de ses journées, il avait honte à la pensée que, dans cette troupe de manoeuvres commandés, serrés de près par les chefs, vêtus d'un uniforme qu'ils n'avaient pas le droit de changer, il y avait un Lumineau, de la Fromentière ». Le contact rugueux avec le contrôleur marque le fossé qui se creuse : « Ces paysans, ma parole, ça ne doute de rien, ça se croit partout dans ses champs ».
Annonciateur de l'écologie ?
A rebours, le monde rural, qui entame son exode vers la ville, est déifié. Au grand regret de l'auteur, un monde disparaît, un autre apparaît, laid, mouvant, dangereux. Un monde parfait s'écroule. Bazin brandit le catholicisme et des valeurs traditionnelles contre la ville, le progrès, l'athéisme, la contagion révolutionnaire. Dépassé ? Désuet sans doute. Reste une certaine résonance annonciatrice des débats du jour sur écologie et l'avenir de la planète. Un terrain où urbains et ruraux sont désormais embarqués sur le même bateau.
Marc LAMBRECHTS.
« La Terre qui meurt » est parue aux éditions Omnibus et Gens de Vendée.
A suivre demain, Michel Houellebecq soigne sa dépression à La Roche.
Ouest-France
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