Yves Viollier "Raymonde"

"Oh Dieu, pourquoi donc en mourant ne nous as-tu pas mués en dieux ! Ma trajectoire quand je m'éfforce de toute mon âme de la maintenir en droit ligne, si je me retourne elle ressemble à ces sillages laissés par les avions, dont le trait un instant précis, peu à peu se dissout, devient flou. Et tout est à refaire, tout s'efface, tout se ternit. Seigneur, donne moi un bout de ton crayon à la pointe si bien taillée, et guide ma main, que je fasse le portrait de ta création, que ce que j'écris te ressemble" Yves Viollier "Raymonde"



"Il va sans dire que la vie n'étant pas une bibliothèque rose elle ne respecte guère ces intentions édifiantes" François Nourissier in "Musée de l'homme"

lundi 12 octobre 2009

"L'annonce" Marie Hélène LAFON


Une très bonne surprise de cette rentrée littéraire.

Résumé : Annette, jeune femme trentenaire est une femme battue d'un mari alcoolique Didier. Ce dernier fait des séjours réguliers en prison ou cure de désintoxication. Mais le futur auprès de lui est impossible. Elle répond à une annonce passée par Paul, un fermier auvergnat, vieux garçon qui recherche une femme pour l'épauler. Elle pense que pour elle et son fils Eric qu'il est leur seule chance de refaire leurs vies cabossées. Mais ce n'est pas sans compter avec Nicole la soeur trop protectrice de Paul... Pour Annette, c'est une renaissance et un réapprentissage de la vie de tous les jours, réapprivoiser la routine du quotidien.

Cela pourrait ressembler à s'y méprendre à l'émission "L'amour dans le pré" mais cela serait assez réducteur que d'en faire la comparaison brute. Ce livre narre le destin de vrais personnages qu'on a pu croiser un jour. Cette description de la vie rurale sans complaisance mais sans tomber dans la sombre peinture sociale. Ce livre est fort, basé sur le courage, aller de l'avant ! Ne jamais se plaindre, se battre.

Annette s'est battue pour son fils, Paul se bat pour survivre et faire survivre tout un pan historique de sa région.

"Il travaillait beaucoup ; mais on avait ce qu'il fallait, en restant raisonnable, et la situation était saine, sans grosses dettes. Les paysans s'étranglaient avec des crédits pour du matériel toujours plus puissant, plus complique, et pour des bâtiments modernes, énormes, disproportionnés, qui vieillissent mal, on devait les rafistoler de tous les côtés au bout de dix ans. Sauf s'ils étaient en bois, ceux-là tenaient mieux le coup, étaient plus confortables pour les bêtes, mais il fallait être bien renseigné dès le début et avoir un peu de tête, et de ne pas se laisser embobiner par les gars des banques et des conseillers de la chambre d'agriculture qui se mêlaient de tout, voyaient les projets sur le papier noir sur blanc à plat, avec des schémas, des croquis et des pourcentages. Et s'il y avait mévente sur les produits, les veaux ou le lait, ou les deux, le paysan se retrouvait tout seul pour faire face. Les mots se déroulaient, coulaient ; il serait parti dans des explications sur le cours des marchés, les prix ; tout se décidait ailleurs à Bruxelles et plus loin, hors de portée des producteurs qui n'avaient qu'à se soumettre, à s'adapter, à changer de méthode, de système, et pourquoi pas de métier aussi, au fond ils voulaient peut-être ça, en haut lieu que les paysans comme lui disparaissent, que tout s'arrête et que la friche mange les pays."

Des personnages passionnant, même l'antipathique du début : Nicole devient attachante malgré son sacré caractère. Et je trouve un certain courage de la part de l'auteure de faire dire à son personnage certaines vérités qui ne sont pas bonnes à dire en cette periode de politiquement correct.


"... un dimanche soir après une fin de repas où Nicole , émoustillée par deux ou trois verres de vin, s'était répandue en de torrentielles envolées sur le caractère unique, merveilleux, et conservatoire de Fridères que sa position isolée protègeait, et ce pour toujours, pensait-elle, espérait-elle, des hordes d'étrangers plus ou moins colorés ou basanés écrasés de misère chez eux et avides de deferler sur les côtes, les villes, les plaines françaises, en pays bas et ouverts, à la seule fin de profiter sur le dos de gens qui travaillent eux, depuis des générations, et ne pondaient pas, eux, des enfants à la dizaine, pour vivre des allocations et engraisser les assistantes sociales."

Marie Hélène Lafon nous a écrit un roman qu'on est pas près d'oublier ! Mais il y a un bémol : pourquoi ne pas l'avoir publié en été, cela aurait fait une saga inoubliable façon celles de Jean Sagols (souvenez vous du "Vent des moissons" diffusés sur TF1)


Une belle description de notre société actuelle à défaut d'un vrai roman d'amour. Ouf ! on a évité le pire car le titre aurait pu être prétexte à un roman d'amour à l'eau de rose arrosé de guimauve de bons sentiments. Cela aurait pu être indigeste.

Aucun commentaire:

LinkWithin

Related Posts with Thumbnails