Yves Viollier "Raymonde"

"Oh Dieu, pourquoi donc en mourant ne nous as-tu pas mués en dieux ! Ma trajectoire quand je m'éfforce de toute mon âme de la maintenir en droit ligne, si je me retourne elle ressemble à ces sillages laissés par les avions, dont le trait un instant précis, peu à peu se dissout, devient flou. Et tout est à refaire, tout s'efface, tout se ternit. Seigneur, donne moi un bout de ton crayon à la pointe si bien taillée, et guide ma main, que je fasse le portrait de ta création, que ce que j'écris te ressemble" Yves Viollier "Raymonde"



"Il va sans dire que la vie n'étant pas une bibliothèque rose elle ne respecte guère ces intentions édifiantes" François Nourissier in "Musée de l'homme"

dimanche 4 octobre 2009

Evangile selon Saint Jean d'Ormesson....




Pendant tout ce week end, je suis restée scotchée sur l'interview de Jean D'Ormesson. Mon idole depuis mon adolescence. Ses yeux si bleus pétillants de malice. Franchement cet homme est du pur bonheur, de la classe, de l'élégance. Dès qu'il paraît un de ses livres, je fonce et à chaque fois c'est une piqûre de rappel... d'érudition et de gaieté.

Mes seuls chagrins de lectrice c'est de ne pas avoir eu à croiser François Nourissier (pour le remercier des fabuleux personnages de Sabine qu'il a créé) et aussi de ne pas avoir encore eu la chance de voir en vrai ce grand homme. Vu son grand âge, il ne doit pas voyager autant, il doit éviter la foule des salons.... Mais bon, comme j'ai eu des bonnes surprises jusqu'à présent il me reste un peu d'espoir.

Il a donc accepté une interview dans Lire Mag ce mois ci ! Voici les morceaux choisis.

Vous vous êtes vous-même surnommé "l'écrivain du bonheur". Or vos romans, ces quatres ou cinq dernières années, semblent démentir ce surnom...

J d'O : Oui, je suis un peu revenu de ça. J'ai été écrivain du bonheur. Parce que j'ai beaucoup parlé de l'amour de la vie. La vie et moi, on s'est très bien entendus. Elle m'a beaucoup donné et j'ai essayé de lui rendre un peu de son indulgence. Bernard Frank, que j'aimais beaucoup et qui ne m'a jamais ménagé, comme vous le savez, me disait :"Tu ne seras jamais un bon écrivain car tu n'as jamais souffert". Faut-il vraiment souffrir pour être un grand écrivain ? Me demandais-je. J'ai longtemps répondu non à cette question. Aujourd'hui je ne suis pas si sûr. Je pense, en disant cela, à François Nourissier, qui est un grand écrivain. - Le bar de l'Escadrille ou A défaut de génie sont des chefs d'oeuvre - et dont la vie et le destin furent marqués par le malheur. Sa vie est comme ses livres : malheureuse. A tout prendre, peut-être que, oui, je préfère le bonheur au malheur.

Reprendriez-vous à votre compte cette formule de Roger Nimier : "Ne rien prendre au sérieux, tout prendre au tragique" ?

J d'O : J'ai pris trop de choses au sérieux, comme tout le monde. Si je faisais une tache sur mon costume ou une rayure à ma voiture décapotable, cela m'ennuyait. Mais ce n'est rien. Ecrire un livre réussi, vous savez ce que c'est ? C'est écrire un livre qui change un peu celui qui le lit et celui qui l'écrit.
Que peut-on espérer de mieux que vous avez eu ?

J d'O : Léon Bloy, qui était insupportable et chrétien, a dit : "la seule tristesse, c'est de ne pas être un sain". C'est beau non ?

A quelle sainteté aspirez-vous ?
J d'O : M'occuper des autres. J'ai été très refermé sur moi même. Un grand écrivain c'est bien ; mais un saint c'est mieux.

Y'a-t-il un moment où il faut, pour reprendre une expression que vous employez au début de votre livre , "quitter la table" ?

J d'O : Oui. Pour moi, le silence est une grande tentation. Je crois que je devrais en être capable. Vous verrez...

Qu'est-ce un bon écrivain ?

J d'O : C'est d'abord un style. Beaucoup de gens arrivent chez les éditeurs et disent :"j'ai une histoire merveilleuse". Mais ce ne sont pas des histoires merveilleuses qui font les écrivains, c'est le style.

Est-ce que le style, c'est l'homme ?


J d'O : Le style, c'est la littérature. Mais il ne faut pas aller trop loin. Je pense que le formalisme, qui écarte tout ce que les Américains font si bien, c'est -à-dire raconter une bonne histoire, est très dangereux parce que cela éloigne le public. Mais il est vrai que ce qui dure, dans un livre, c'est le style. On écrit pas avec les histoires, on écrit avec des mots. Et les écrivains qui tiennent, qui traversent le temps, et ne parlons même pas des plus grands mais de Mérimée ou de Voltaire, ceux-là tiennent parce qu'ils ont un style et non pas parce qu'ils ont des histoires merveilleuses. Les histoires ne font pas l'écrit.


Il y a un leitmotiv dans ce livre, mais aussi dans toute votre oeuvre, qui est : "Nous avons perdu notre gaieté. " Comment la retrouver ?


J d'O : Comment voulez-vous qu'on ne l'ait pas perdue ? Vous voyez bien ce qu'à été ce XXème siècle : épouvantable. J'ai fait le calcul : si vous additionnez Hitler, Staline, Mao, Pol Pot, le colonialisme, vous obtenez cent millions de morts violentes en cent ans, c'est-à-dire un million de morts par an ! Et ce début de XXIème siècle : la crise, la fin de la religion... Oui les gens ont perdu leur insouciance. Le grand problème, c'est de rendre l'espérance aux gens. Qu'est-ce qui donnait de l'espérance, autrefois ? L'Eglise catholique et le Parti Communiste. Or le Parti communiste a disparu et l'Eglise catholique est un peu souffrante. Aujourd'hui, ce qui donne de l'espérance, c'est peut-être la littérature. On pourrait peut-être dire que la littérature naît du malheur et qu'elle donne du bonheur. Elle rend une espèce d'espérance aux gens. C'est sans doute pour cela que le livre ne se porte pas si mal en France. Il y a une formule de Michel-Ange que j'aime tellement : "Dieu a donné une soeur au souvenir et il l'a appelée espérance"


Et vous, quel est votre truc pour rester gai et résister à la médiocrité ambiante ?


J d'O Les amis, comme le disait Borges, Je n'écris ni pour moi-même, ni pour la masse mais pour un petit nombre d'amis.


Comment envisagez -vous votre propre mort ?


J d'O : Je pense très peu à ma mort. Je ne vis pas du tout dans l'inquiétude de la mort. Sur ce point, je suis spinoziste : je crois à la vie.


Merci, Maître, de tous ces enseignements, merci de nous ramener vers l'essentiel...

1 commentaire:

Valérie DEBIEUX a dit…

Ah, j'étais sûre que tu aurais choisi la photo où il tire la langue ^^

MDR MDR...

Bel article que nous offre la revue LIRE de ce mois. Merci Sab ^^

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