Yves Viollier "Raymonde"

"Oh Dieu, pourquoi donc en mourant ne nous as-tu pas mués en dieux ! Ma trajectoire quand je m'éfforce de toute mon âme de la maintenir en droit ligne, si je me retourne elle ressemble à ces sillages laissés par les avions, dont le trait un instant précis, peu à peu se dissout, devient flou. Et tout est à refaire, tout s'efface, tout se ternit. Seigneur, donne moi un bout de ton crayon à la pointe si bien taillée, et guide ma main, que je fasse le portrait de ta création, que ce que j'écris te ressemble" Yves Viollier "Raymonde"



"Il va sans dire que la vie n'étant pas une bibliothèque rose elle ne respecte guère ces intentions édifiantes" François Nourissier in "Musée de l'homme"

vendredi 13 juin 2008

Superbe article sur François NOURISSIER dans un ancien mag Lire mais retrouvé sur internet...


Je le poste ici rien que pour vous évoquer l'univers de ce Grand Monsieur de la Littérature Française que j'apprécie de plus en plus... Je vous conseille vivement de vous plonger dans sa si grande bibliographie. Celle ci est tellement belle, des belles lettres, du beau français, des histoires touchantes... Dès que vous lisez un livre de Monsieur Nourissier, vous pourrez plus vous en passer !


Nourissier compose avec Miss P.par Pascale Frey
Lire, mars 2003


La vieillesse est là et, avec elle, la maladie. L'écrivain ne détourne pas le regard et consigne ce compagnonnage forcé dans son journal.


Il habite un petit coin de campagne en plein Paris, dans le seizième arrondissement. Mais une rue d'influence! Sa plus proche voisine s'appelle Françoise Chandernagor, membre comme lui de l'académie Goncourt. De l'autre côté, vit Sacha Distel. De son salon, François Nourissier plonge sur la fondation Le Corbusier, un bâtiment dessiné par l'architecte lui-même et parfaitement restauré. Cet environnement de rêve pour un écrivain, il en profite d'ailleurs depuis trente ans. Le temps d'accumuler objets, souvenirs, tableaux et, bien sûr, livres en tous genres.

Entre Saints-Pères et Sébastien-Bottin.


En 1996, François Nourissier, alors président de l'académie Goncourt, quittait Grasset où il publiait depuis 1957. Cela fit pas mal de bruit dans le milieu. Puis il donna un livre chez Gallimard et le bruit devint carrément assourdissant. Réconciliant passé et présent, les Saints-Pères et Sébastien-Bottin, il sort un récit autobiographique chez Gallimard et un énorme ouvrage regroupant neuf de ses romans chez Grasset. «C'était le rêve de ma vie de réunir mes deux maisons.»


Aujourd'hui, Nourissier ne préside plus l'académie, et il a «démissionné de tout ce à quoi il appartenait». Son rôle pourtant n'est pas négligeable et il reconnaît être de ceux qui ont lancé l'idée d'attribuer le Goncourt à Pascal Quignard. «D'abord parce qu'il le méritait bien. Et puis nous voulions donner une espèce de signal littéraire. Cela a été un relatif échec sur le plan du commerce, mais pas sur celui de la littérature.»


Si François Nourissier a réduit ses activités mondaines, c'est parce qu'il est fatigué et que la maladie l'a contraint à ralentir son rythme. En 1995, à la fin d'une journée de ski, alors qu'il entame un dernier petit schuss, il tombe de manière inexplicable. Sur le conseil de son moniteur, plutôt perspicace, il consulte un neurologue dès qu'il rentre à Paris. Le verdict, impitoyable, tombe: Parkinson, «Miss P.» comme il la surnomme pudiquement. «C'est inguérissable, mais on peut vivre longtemps avec.» Et on peut écrire: «Je tape mes manuscrits sur une vieille machine Hermès. Mais il ne faut pas que mes index me lâchent!»


Le livre publié chez Grasset, Neuf histoires françaises, est donc la réunion de neuf romans parmi ses préférés écrits sur une quarantaine d'années. «Ce sont des petits morceaux de la société française de mon siècle.» L'autre titre, Prince des berlingots, paraît chez Gallimard. C'est un texte sur son quotidien d'homme malade, mais qui n'a rien perdu de son humour. «J'étais totalement prisonnier de cette histoire. Ce livre est une tentative pour m'en sortir dans la tête. Je ne pouvais pas faire autre chose et c'est la première fois, je crois, que je me suis senti irrémédiablement écrivain. La première fois que je ne pouvais pas ne pas écrire un livre.» L'héroïne en est donc cette Miss P. qui lui empoisonne la vie depuis sept ans. «Plutôt que de m'abstenir d'écrire à son sujet, par pudeur ou par prudence, j'ai préféré penser que c'était une formidable aubaine. J'ai toujours été fasciné par la mort, alors pour une fois que je pouvais la toucher du doigt, cela aurait été bête de laisser passer l'occasion.»


Envers et contre Miss P.

Ce livre, il l'a écrit comme les autres, le matin entre 5 h 30 et 9 h 30. «Ensuite, je lis.» François Nourissier partage l'essentiel de ses journées entre son bureau et son salon. Un petit ascenseur relie les deux étages, et l'une et l'autre pièce plonge sur le jardin un peu déplumé en ce mois de février. Elles sont remplies d'objets, de photos, de souvenirs. Au mur, une tapisserie signée de Berain, un artiste qui travaillait pour Louis XIV. Et beaucoup de tableaux d'Alechinsky, par exemple, avec lequel il a fait un livre tiré à cent exemplaires. Des collages de sa femme, l'artiste Cécile Muhlstein qui a son atelier au dernier étage de la maison. Là, dans le salon, sur une petite table trône un objet de sacrifice africain offert par Maurice Rheims. Un grand croquis de Claire Bretécher et un autre de Cocteau voisinent avec deux dessins de Maillol.


On l'aura compris, l'une des passions des Nourissier c'est de chiner. «Je pense que la veille de ma mort, j'achèterai encore des objets.» Certains sont précieux, d'autres moins mais tous ont une origine sentimentale. Ces morceaux d'arbres fossilisés provenant du Grand Canyon rappellent le métier de ce père exploitant forestier, mort si jeune, et la passion de la forêt qu'il a transmise à son fils François. Le porte-manteau en forme d'ours de Berne évoque son surnom (Nours) et son amour de la Suisse où il possède un chalet qu'il a dessiné lui-même il y a quarante et un ans.


Dans son bureau sont exposées des photos de ses trois enfants et douze petits-enfants, celles d'amis comme Michèle Morgan ou de «dignités tutélaires» comme Aragon, Jean Paulhan, Marguerite Yourcenar, Guy de Pourtalès, Montherlant. Un dessin de Sempé.


Miss P. est peut-être omniprésente dans la vie de François Nourissier, mais cela n'a en rien émoussé son goût des livres. Il continue à nous faire partager ses coups de cœur dans Le Figaro ou dans Le Point. Il a démissionné de ses nombreuses fonctions mais il s'amuse toujours autant à observer les coulisses de l'univers des lettres. Lancez-le sur le sujet des dessous du milieu littéraire et vous le verrez prendre un malin plaisir à éclairer votre lanterne. Nous comprenons alors que, quoi qu'il en dise, la démission est toute relative!

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