OUEST FRANCE REND HOMMAGE A PIERRE DESPROGES

« Étonnant, non ? » était la rituelle conclusion de sa « nécessaire minute de Monsieur Cyclopède », courte émission quotidienne qui divisa la France en deux, comme auparvant « Les shadoks ». Pierre Desproges était né à Pantin en 1939. Il est enterré au Père-Lachaise. Sur sa maladie, il eut ce mot : « plus cancéreux que moi, tumeur ! »

La légende vendéenne de Pierre Desproges

Pierre Desproges a tiré sa révérence voilà vingt ans. L'humoriste avait ses ancrages en Vendée, à Saint-Gilles-Croix-de-Vie et Challans. Étonnant, non ?

Celui qui illumina « Le petit rapporteur » de Jacques Martin à la télé des années soixante-dix, celui qui divisa la France avec sa « nécessaire minute de Monsieur Cyclopède » à la télé des années quatre-vingt, celui qui vola la vedette à Claude Villers et Luis Rego dans « le tribunal des flagrants délires » à la radio, celui qui fut un pamphlétaire ravageur et incontrôlable, est mort à l'âge de 49 ans. Le 18 avril 1988. Emporté par un cancer, cette maladie qu'il brocarda dans ses spectacles jusqu'à la fin, avec l'énergie du désespoir...

Vingt ans que ce bougre nous manque, vingt ans qu'on ne croise plus sa silhouette sur un solex à Saint-Gilles ou devant sa maison de vacances, à la pointe de la Garenne, qui donne face au port de Croix-de-Vie. Ce pays qu'il avait adopté par sa femme, Hélène Mourain, une Challandaise, fille de Jean Mourain (ce Maraîchin qui dessina les plans du théâtre du Marais et créa les « Amis du théâtre » dans la capitale du Marais breton), ce pays où il venait se ressourcer régulièrement.

« Il était très pince-sans-rire et n'hésitait pas à déstabiliser ses contemporains », se souviennent ces deux témoins du pays, Nicolas et Warren. Ce dernier ajoute. « Un jour, je le reconnais sur la plage. Je lui demande, un peu timidement, s'il n'est pas M. Desproges ; et lui de me rétorquer : et toi, t'es Tarzan ? »

Saint-Gilles au vitriol

Les anecdotes grouillent. Les écrits restent. Sur St-Gilles-Croix-de-Vie, en 1976, à un chroniqueur de Ouest-France, Desproges déclare, qu'ici, il va « à la pêche au maquereau avec l'évêque d'Ajaccio. Vous ne me croyez pas, pourtant, c'est vrai ! C'est l'ancien coadjuteur de Luçon, un ami de la famille. Et il a bien le droit d'aimer pêcher le maquereau ». Fermez le... ban !

Sur la cité Giras, il fut intarissable. Et il reste ses livres pour constater l'étonnante modernité de son style au vitriol, maniant la mauvaise foi sans jamais sourire, entre Buster Keaton et Pierre Dac. Dans son « Dictionnaire superflu à l'usage de l'élite et des bien nantis », il décrit le port comme une curiosité locale. « Saint-Gilles est la seule ville de bord de mer au monde où les pouvoirs publics ont pensé à mettre des baraques foraines et des parkings automobiles tout autour du port afin que les touristes ne puissent jamais voir la mer et les bateaux. C'est une curiosité pétaradante qui mérite le détour, encore qu'on puisse jouir du même paysage sans quitter Clermont-Ferrand ». On ne saurait mieux dire...

Dans ce même texte, il a également le « don de descendre » le touriste du bord de mer, « debout dans son caleçon coloré, les mains sur les hanches et tourné vers le large, se demandant ce qu'il fait là... ». Desproges le disait aussi : « on peut rire de tout mais pas avec tout le monde ».

Philippe GILBERT