Yves Viollier "Raymonde"

"Oh Dieu, pourquoi donc en mourant ne nous as-tu pas mués en dieux ! Ma trajectoire quand je m'éfforce de toute mon âme de la maintenir en droit ligne, si je me retourne elle ressemble à ces sillages laissés par les avions, dont le trait un instant précis, peu à peu se dissout, devient flou. Et tout est à refaire, tout s'efface, tout se ternit. Seigneur, donne moi un bout de ton crayon à la pointe si bien taillée, et guide ma main, que je fasse le portrait de ta création, que ce que j'écris te ressemble" Yves Viollier "Raymonde"



"Il va sans dire que la vie n'étant pas une bibliothèque rose elle ne respecte guère ces intentions édifiantes" François Nourissier in "Musée de l'homme"

mardi 22 décembre 2009

"Le coeur dans la boîte en carton" Svétoslav Minkov et Konstantin Konstantinov.



Un des rares romans écrit à deux mains en langue bulgare. Paru en 1943.

Résumé : Un poète méconnu du public Valérian Plamenov découvre à la suite d'une visite médicale que son coeur a disparu. Il part donc à la recherche de celui-ci. Cela va l'emporter dans sept aventures qui sont autant de paraboles.

Valérian va donc rechercher ce coeur disparu. Il croisera la route d'un détective privé, Tommy Black. Il écrira une des plus émouvantes missives au Ministre de l'Intérieur afin qu'il vienne à son secours... Il voyagera dans Paris. Sublimes descriptions de Paris à l'époque. Et rencontrera des personnages déroutant dans sa course, évitera même un mariage arrangé qui avait toutes les apparences d'un cauchemar....

Une mention spéciale notamment pour la cinquième aventure... Ou les auteurs s'autoflagellent ainsi que leur personnage. Un grand moment, qui peut être considéré comme culte. J'ai trouvé alors, le vrai sens de la critique littéraire et ce cette manière, Svetoslav et Konstantin avaient trouvé le moyen de couper l'herbe sous le pied des critiques qui pourraient lire leur roman. Du pur bonheur, c'est tellement rare. De la vraie critique littéraire, pas complaisante... Je me doute qu'Eric Naulleau a du prendre ce passage à son compte. Il a dû prendre ces commentaires et les faires siens. J'en parlerai plus tard.

Cela aurait pu être une histoire triste, sombre... Mais les deux écrivains se sont réellement amusés. Mettant de la poésie dans le quotidien, de l'humour

" Il ouvre un petit livret, lit rapidement une prière puis se retourne vers les deux couples du Kentucky et, désignant des yeux la dame en deuil, leur dit sur un ton confidentiel :
- c'est certainement la mère du Soldat Inconnu. Nous devrions lui faire nos condoléances.
Et tous les cinq s'approchent de la femme, lui serrent la main pour exprimer leur compassion et la consolent : tout de même, elle doit être bien fière d'avoir enfanté un fils qui repose en un endroit si célèbre - Oh, oh yes ! - au dessous de cet arc bâti par les Césars romains".

De croire que ce conte est une fable simpliste serait méconnaître le livre et de l'avoir mal lu. C'est une longue critique de la situation de la littérature en cette époque. Les poètes en sont arrivés à prendre un pseudonyme. Le conflit entre la vie quotidienne, dure et figée par la terreur et la littérature, l'art qui n'aspire qu'à la liberté.

Ce livre même s'il est écrit en 1943 (seulement traduit en 1994 par Eric Naulleau et Kracmir Kavaldjiev... Un livre à deux mains traduit par un couple de traducteur. Quelle coïncidence amusante !) est encore d'actualité. La littérature de nos jours se bat contre la dictature du politiquement correct. Notre chère époque où le bal des faux culs bat son plein. La liberté se trouve encore chez les vrais écrivains, les poètes. Ils sont encore méconnus, mal aimés comme Valérian.

Je comprends que ce livre ait changé la vie d'Eric Naulleau, il est surprenant car il est rempli d'enseignements, de balises qui peuvent aider le vrai passionné de littérature à faire ses futurs choix littéraires.

J'ai dévoré ce livre, j'y ai trouvé une sacré générosité dans cette traduction soignée. Un vrai travail d'orfèvre. Les phrases se déroulent délicatement. Il est évident que cette traduction tenait à coeur de Kracimir et d'Eric. J'en ai lu des traductions de livres de littérature. Des traductions basiques, sans saveur... Mais ici la traduction n'avait pas pour seule vocation à traduire mot pour mot, mais aussi à rendre hommage au travail des deux écrivains bulgares. Une passion à faire découvrir avant tout. Du très beau travail qui devrait être pris en exemple dans les facultés aux étudiants qui veulent devenir traducteurs littéraires.

Ce coeur n'est plus dans la boîte en carton, il se trouve dans mes souvenirs les plus lumineux de lectrice et aussi dans mon coeur.

Je laisse les derniers mots à Eric Naulleau :
Le Coeur dans la boîte en carton contient un conseil de première importance pour tous les écrivains qui se demandent quoi faire lorsqu'il se réveillent un matin en panne d'inspiration : aller voir un médecin ! Et non pas, ainsi qu'on le constate trop souvent, s'obstiner à écrire et, prire encore, à publier ce que l'on a écrit dans semblable état maladif...

Euh, Eric ! Pas d'accord avec toi ! Et oh ! Les salles d'attente de ces médecins seraient vite transformées en salon des écrivains...

Le Coeur dans la boîte en carton peut aussi exercer une influence décisive sur le destin de celui qui le lit. Quand le vingtième éditeur m'eut répondu en étouffant un bâillement que ce serait "une excellente idée de publier ce livre" tout en se promettant in petto de n'en jamais rien faire, je décidai de le faire imprimer à mes frais et de le distribuer autour de moi, à la seule fin de partager mon plaisir de lecture. Il en résulta en 1993 un volume tout à fait artisanal et passablement ma fichu. j'étais devenu éditeur et je ne le savais pas encore"...

Et 16 ans après, Eric est toujours là pour nous aider à faire le tri entre les bons et les mauvais... A nous faire partager sa passion des vrais bons livres....


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