Yves Viollier "Raymonde"

"Oh Dieu, pourquoi donc en mourant ne nous as-tu pas mués en dieux ! Ma trajectoire quand je m'éfforce de toute mon âme de la maintenir en droit ligne, si je me retourne elle ressemble à ces sillages laissés par les avions, dont le trait un instant précis, peu à peu se dissout, devient flou. Et tout est à refaire, tout s'efface, tout se ternit. Seigneur, donne moi un bout de ton crayon à la pointe si bien taillée, et guide ma main, que je fasse le portrait de ta création, que ce que j'écris te ressemble" Yves Viollier "Raymonde"



"Il va sans dire que la vie n'étant pas une bibliothèque rose elle ne respecte guère ces intentions édifiantes" François Nourissier in "Musée de l'homme"

jeudi 3 janvier 2008

JACQUES SYREIGEOL ET LA ROCHE

Entré tardivement en littérature, Jacques Syreigeol à sa table de travail, au début des années 90. Il est mort le 24 mars 1992. :Archives



Jacques Syreigeol, météore yonnais du polar

La ville, un roman, son auteur.


La Roche-sur-Yon n'est qu'une étape dans le parcours de l'antihéros de Vendetta en Vendée, sorte de petit Précis de la vengeance.
Un an en détention provisoire, un jugement et un non-lieu pour un viol inventé de toutes pièces. C'est l'histoire, ordinaire, d'un homme tout aussi ordinaire : Marc, paysan du Marais breton, juste bon à faire du mal à une mouche (mais pas plus), et qui se retrouve accusé puis ruiné -affectivement, socialement et économiquement- à sa sortie de prison, même s'il sera lavé de tous soupçons. En lisant Vendetta en Vendée (1), de Jacques Syreigeol, médecin psychiatre yonnais mort en 1992, né à Oran (Algérie), venu sur le tard à la littérature, on pense imperceptiblement à la plus grande erreur judiciaire de ces dix dernières années, l'Affaire des affaires, Outreau.


Les cellules de la maison d'arrêt



Mais Vendetta en Vendée est autre chose que la chronique d'une erreur judiciaire. C'est avant tout un polar, et une sorte de précis de la vengeance. Après avoir accepté son sort, son destin, « au sens du théâtre antique », écrivait notre confrère Gilles Bély, « l'accusé » entreprend, à sa sortie de prison, de faire payer ses « bourreaux », ceux qui l'ont conduit de sa terre maraîchine bien aimée à une cellule de la maison d'arrêt du chef-lieu, où il se perd dans la contemplation d'une fissure, figure peut-être d'une fracture qui se creuse entre lui et les autres. Tous les fils de ce polar sont tendus vers ce but : obtenir réparation, sans qu'il ne soit question ici de réhabilitation ou d'un quelconque honneur à laver. Ici, nécessité fait loi, et la nécessité exige vengeance.

La vengeance semble naturelle



Rien d'anticipé cependant chez l'antihéros fataliste de Jacques Syreigeol, mais, après avoir subi les évènements -les petites frappes qui dictent la « loi » dans sa cellule de la maison d'arrêt de La Roche-sur-Yon, le départ de sa femme et de ses filles, la vente de ses biens, les questions du juge yonnais-, une froide détermination, un chemin dont il ne se détourne pas une fois que sa décision est prise, de faire payer ceux qui l'ont envoyé en taule, auteurs et complices. Même la vengeance, d'une certaine façon, semble naturelle, comme s'il ne restait qu'à se soumettre à cette exigeante maîtresse tenue à distance par la bonne éducation.



L'hommage de Benjamin Stora



Ironie de l'histoire, l'auteur de quatre crimes, exécutés avec un certain raffinement dans la cruauté, restera impuni, alors qu'il avait croupi un an en prison pour un crime qu'il n'avait pas commis. Jacques Syreigeol semble vouloir dire qu'il existe peut-être une morale, mais qu'elle n'est pas -ou pas seulement- religieuse. C'est un des messages de cette histoire, écrite sans jamais céder aux sirènes de l'intrigue, mais en concentrant ses efforts sur une écriture serrée, sèche, coupante et cinglante. Pour prolonger la découverte de l'univers de cet auteur trop méconnu, que Benjamin Stora tenait pour « un auteur talentueux », on pourra très avantageusement se tourner vers deux autres polars, Un mort dans le djebel, qui obtiendra le Prix Mystère de la critique, et Miracle en Vendée.



Philippe ECALLE.
(1) Parue dans la collection Série Noire en 1997, Vendetta en Vendée commence à se faire rare en librairie. On peut également facilement le trouver sur les sites de ventes sur internet.



A suivre, demain, Michel Ragon raconte la venue de Napoléon à La Roche.
Ouest-France

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